FASTI ECCLESIAE GALLICANAE

Extrait du volume concernant le diocèse d'Angers

La Cité, quartier canonial Saint-Maurice d'Angers (pages 97-100)

V. L’implantation des maisons canoniales dans le plan reconstitué du XVe siècle

On a vu que, depuis la fin du ixe siècle, des emplacements pour construire des maisons avaient été accordés au chapitre. Dès 1073, des maisons sont attribuées à un dignitaire. Mais seuls les trois archidiacres avaient une maison attachée à leur dignité. Même le doyen était soumis au régime de l’option jusqu’à ce qu’il reçoive au milieu du xvie siècle la maison canoniale Sainte-Catherine proche de la porte de la Chartre, construite par Raoul de La Flèche (16) puis par le doyen Jean Dumas en 1541 (1-3 rue Saint-Évroult). Faute de maison affectée aux prébendes, dès qu’une se libère par le décès ou la démis­sion d’un chanoine, les autres peuvent opter pour sa maison en fonction de leur rang ou ancienneté contre un loyer qui n’est pas le même selon les maisons. Avant 1240, trois maisons canoniales, dont celle du maître-école, avaient été annexées par le couvent des Jacobins suite à l’intervention de l’évêque Guillaume de Beaumont (2). D’autres maisons avaient peut-être été détruites lors de la construction du château et des fossés. Il fallut donc procé­der à de nouvelles acquisitions ou susciter des dons. Ainsi Durand, évêque de Nantes, qui décéda à Angers en 1291, donna une maison près du château qui devint la maison canoniale de la Fosse. Ces maisons canoniales s’organisent principalement le long des rues qui bordent l’enceinte et les îlots qui enca­drent la cathédrale. Alors que l’évêque Rainon avait autorisé les chanoines à léguer les maisons à leurs parents, désormais toutes les maisons appartien­nent au chapitre, les chanoines n’en ont que l’usufruit et étaient obligés d’effectuer les réparations nécessaires. Cependant, en cas de reconstruction aux frais du chanoine, on lui en laissait l’usage sa vie durant tel Jean Guittier (416), archidiacre d’Outre-Maine, qui fit reconstruire la maison canoniale Saint-Barthélemy ou du Chapeau Rouge, rue Saint-Évroult. Sa maison de dignitaire près de la cathédrale est donc abandonnée et ne sert que pour l’exercice de sa juridiction d’archidiacre.

Vingt-et-une des vingt-huit maisons canoniales au début du xve siècle sont situées près de la cathédrale dans un rayon de moins de 80 mètres. Les douze maisons d’officiers du bas-chœur et les quarante-trois maisons de chapelains sont plutôt concentrées au sud de la Cité à l’exception notable d’un îlot en arrière de la place de terre ou « placître » appartenant au fief de l’évêque. De même les deux tiers des maisons canoniales se situent dans la paroisse de Saint-Maurice, alors que les maisons de chapelains sont en majo­rité sur le territoire de la petite paroisse Saint-Aignan. Ce sont les chanoines, souvent à l’origine des fondations de chapellenies, qui installent les chapelains dans la Cité, comme par exemple Simon Bordier (505) qui donne en 1469 une maison nouvellement bâtie pour le chapelain de Notre-Dame des Mazeris, près de la porte Hugon. Ces demeures ont presque toutes un nom qui est connu au xve siècle. La plupart portent le nom d’un saint et pour un tiers d’entre elles, il s’agit du nom d’une prébende. D’autres ont le nom de la paroisse principale dont le desservant est à la nomination d’un chanoine (ex. maison Sainte-Croix). Certaines chapellenies ont aussi pu donner leur nom à la maison canoniale de par leur proximité (Saint-Julien face à la maison de la chapelle portant cette dédicace) ou parce que la nomination du chapelain leur appartenait ou encore parce qu’elles avaient annexé une maison de chapelain (Saint-André). Quelques maisons portent le nom d’une caractéristique archi­tecturale (comme la Tourelle) ou d’une fonction (La Fonte, pour les cloches). D’autres rappellent un illustre prédécesseur (Pierre Abélard) ou peut-être un cardinal (Le Chapeau Rouge).

Louis de Farcy, habitant de la Cité (3 rue du Parvis Saint-Maurice), fut le premier à dresser un plan du quartier. L’étude des maisons canoniales devait former un important chapitre du dernier tome de sa Monographie de la cathédrale d’Angers. Mais ce plan, publié tel quel par l’abbé Houdebine, n’est qu’un brouillon truffé d’erreurs, parfois contradictoire avec le texte et comportant de nombreux blancs dans certains ilôts. C’est par l’étude régressi­ve, indispensable pour cette recherche, que nous avons pu localiser précisé­ment toutes les maisons de la Cité. Deux documents ont servi de fil direc­teur : les déclarations de 1675 et « le censier du Grand fief de Saint-Maurice en ville et dans les faubourgs » de 1767-1789 dressé par Thorode (Arch. dép. de Maine-et-Loire, G 402 et 407). Quoique moins précis que d’autres réalisés à la même époque, ces registres ont permis d’élaborer un premier plan. Pour chaque maison, les confronts sont donnés pour les quatre côtés. En partant des maisons bien connues, on peut suivre pas à pas les maisons décrites. Ce travail est déjà assez long d’exploitation car chaque document comprend une soixantaine de folios pour la Cité et ses abords immédiats. Les remembrances des fiefs inscrites dans le censier du xviiie siècle remontent parfois jusqu’au xve siècle. On peut ainsi suivre les modifications intervenues. Le censier du fief de Saint-Maurice de 1415 (Arch. dép. de Maine-et-Loire, G 404) est moins précis car les confronts sont plus sommaires mais il nous donne toujours le nom de l’occupant ; ce qui permet de déterminer le statut de la maison. Toutes les demeures de la Cité ne sont pas décrites dans ce censier. Il y a des oublis, comme par exemple la maison canoniale Saint-Paul, ou des informations connues seulement par les confronts. Le chapitre cathédral n’est pas le seul seigneur de la Cité. Le fief du Roi par exemple n’est connu que par des documents de Saint-Maurice car le premier censier du roi est de 1544 (id., C 220). Lorsqu’il existait des « trous » dans le parcellaire, il a fallu recourir à des sources externes au chapitre cathédral que nous avons décou­vertes au cours de notre étude. Aucun travail d’ensemble n’a été consacré aux fiefs à Angers comme celui réalisé pour Tours. Les modifications ont touché tous les îlots entre le plan du xviiie siècle et celui du xve siècle. Des parcelles ont dû être subdivisées, comme par exemple la maison de Cunaud et la maison de Saint-Maurille. Les éléments architecturaux tels qu’un pignon fossile nous ont aidés à trancher. Il en est de même pour la maison de la confrérie Saint-Julien, incluse par la suite comme dépendance de la grande maison canoniale voisine. En revanche des parcelles ont parfois été réunies comme par exemple une maison de la rue Saint-Aignan, ou la maison canonia­le Sainte-Catherine, qui atteint une taille plus raisonnable par la suite.

Enfin le xve siècle, après les profondes interventions du xiiie siècle, a été marqué par toute une série de modifications. C’est ainsi que l’on peut voir que les maisons repérées des six ou sept dignitaires sont toutes proches de la cathédrale mais sans organisation spécifique. Hormis les trois archidiacres dont on a déjà parlé, le doyen habite la maison Saint-Martin (jusqu’en 1412) puis celle de Sainte-Croix et enfin celle de Saint-Barthélemy à partir de 1415. Les cinq maisons qui forment le côté sud du parvis sont occupées par les mêmes dignitaires et officiers du chapitre qui permutent pendant quelques années à l’intérieur du même îlot : le chantre, le maître-école et le maître de la Psallette. L’une de ces maisons est celle de Saint-Maurice, partiellement reconstruite en 1487. Le pénitencier est le plus près de la cathédrale en occu­pant la maison canoniale Saint-Luc reconstruite par Geoffroy Robin (273) avant 1413. Enfin le trésorier Jean Hauchepié (175) occupe avant 1386 la maison canoniale Saint-Pierre face au palais épiscopal. Les plus anciennes maisons de cette Cité sont la maison Sainte-Croix (5, rue Saint-Aignan) qui remonte au milieu du xiie siècle, la maison Saint-Michel (17 bis, montée Saint-Maurice) dont les baies à remplages gothiques doivent dater du début du xive siècle et qui a été reconstruite par le chanoine Jean Bonnet (171). Malgré d’importants remaniements d’autres maisons du xve siècle subsistent, celle de Saint-Barthélemy (9-11, rue Saint-Évroult) déjà mentionnée, celle de Sainte-Marie (10, rue Donadieu de Puycharic) achevée en 1479 par Jean Chauveau (405) et celle de Saint-Paul dans la rue du même nom, cons­truite en 1490 par le chanoine René de la Barre (492). Elle possède encore son oratoire voûté comme d’autres maisons. Toujours au xve siècle à la suite de la disparition des maisons de ville des religieux, il y eut des modifica­tions : l’archidiacre d’Outre-Loire vint s’installer à la place d’une maison des Filles-Dieu, la maison de Cunaud, alors détruite, devient celle du chanoine Jean Brocet (299) qui agrandit ainsi la maison canoniale Saint-Maurille que dut rebâtir André Bessonneau (99), et celle de Fontevraud (La Haute Mule) est devenue une maison de rapport.

De l’ensemble canonial au sud de la cathédrale décrit plus haut, plus grand-chose ne subsiste : une place devenue (inévitable?) parking a été aménagée à la suite des actes de vandalisme révolutionnaire. En 1791, après la démolition de l’église Sainte-Croix, une rue est ouverte à travers l’enceinte et la maison canoniale Saint-Jacques. Depuis le cimetière Sainte-Croix, déménagé de ses sépultures à la fin du xviiie siècle, une pente est créée pour rattraper la différence de niveaux avec la Cité et occasionne la destruction du cloître et des bâtiments qui le bordaient. En 1792, c’est autour de la salle du chapitre. Le Directoire autorise l’amputation de l’ancienne église paroissiale et l’Empire acheva le travail destructeur avec l’abattement du porche en 1807. Enfin, on élargit la montée Saint-Maurice en taillant dans les dépendances des maisons canoniales. Malgré les dernières démolitions dues aux bombar­dements de 1944, la plupart des maisons, dont beaucoup ont été rebâties à l’époque moderne, sont toujours là. La Cité, en marge des activités urbaines et malgré bien des aléas, a conservé son aspect résidentiel, héritage du quartier canonial.

(...)
Haut de page
Retour à la présentation du volume d'Angers
Contact - Plan du site
© 2014 Fasti - CNRS